Publié le 15. mars 2023

Sleaford Mods: réalisme brutal made in UK

De ses débuts underground à Nottingham à son dernier album «UK Grim», on vous debrief brièvement Sleaford Mods, le groupe post-punk le plus électrisant de Grande-Bretagne qui sera à Zurich en fin d'année.

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Sleaford Mods fait ses débuts dans les clubs poisseux de Nottingham en 2007 en tant que projet solo de Jason Williamson en collaboration avec l'ingénieur du son Simon Parfrement. Les premières sorties ne rencontrent qu'un succès de niche mais, dès 2012, le chanteur est rejoint par Andrew Fearn qui remplace Parfrement et le groupe tel qu’on le connaît prend vie en 2012 et se matérialise en 2013 avec leur premier album ensemble «Austerity Dogs».

Il y a 10 ans donc, et avec la sortie de «UK Grim», les gars on en profité pour glisser que «ces 10 ans, ça aurait été une très bonne campagne pour remettre Austerity Dogs dans la conscience des gens. On l’a écouté l’autre jour et c’est vraiment très bon – très minimal mais avec beaucoup d’espace et presque naïf». L'occasion, donc, pour ce réécouter cet album, première pierre à l'édifice de ces working class heroes les plus electropunk du Royaume Uni.

C’est avec leur album «Divide And Exit», sorti en 2014, qui révèle au public ce concept aux sons bruts et aux textes incisifs qui défoncent la politique du Royaume-Uni sur fond de sueur ouvrière et de bières chaudes. À propos de cette écriture, Williamson explique : «La première fois que j’ai pris la plume pour écrire le monologue qui allait devenir une chanson de Sleaford Mods, c’est la nature merdique de ma vie et de mon environnement qui sont sortis en premier. J’ai découvert ma voix et mon humour en écrivant. Comprendre l’environnement qui a recraché l’homme que je suis, c’est une manière de m’en venger. Au début, les gens qui nous suivaient remarquaient les insanités. Et puis ils ont fini par écouter ce qu’elles disaient».

Juste ensuite, ils bossent avec un autre groupe anglais underground : The Prodigy et offrent au monde «Ibiza».

La fièvre Sleaford Mods se colle alors dans les crânes de tous ceux qui préfèrent le brutalisme aux sons léchés proposés par l'industrie musicale et en enchaînant les albums, «Key Markets» en 2015, «English Tapas» en 2017, «Eton Alive» en 2019 et «Spare Ribs» en 2021, ils se forgent une solide réputation de bêtes de scènes, et par bêtes on entend aussi cette animalité qui fait de leur live des performances qui transformeraient n'importe quelle salle en sauna poisseux bourré de curistes en transe.

«UK Grim» and so what?

Aujourd'hui, «le plus grand groupe de rock de notre époque» selon Iggy Pop, revient avec ce 12e album et même si le duo goûte désormais aux joies du succès grand public, il n'en reste pas moins porte-parole d'une société qui va mal et enfonce les plus faibles, scandant: «en Angleterre, personne ne peut vous entendre crier» dans le track du même nom que l'album et dont le clip graphique ne laisse aucun doute sur ses intentions.

«UK Grim» raconte dans son entier les convulsions d'une société qui perd la tête, racontée par un homme déterminé à affronter les hypocrisies, y compris la sienne et avec ses 14 titres, c'est bien une succession de statments que le duo nous offre, «l’album a été écrit durant le non-événement qu’a été le COVID et je suis juste devenu plus en colère contre moi-même et le reste du monde», confiant Williamson par le biais du communiqué de son label Rough Trade.

Pour «Force 10 From Navarone» rejoint par Florence Shaw de Dry Cleaning, le groupe raconte la lutte pour garder la tête hors de l'eau en ces temps misérables et fait de cette collaboration un des moments forts de l'album.

Dans le plus introspectif - musicalement parlant, «I Claudius» on s'amuse de l'ennui tel un enfant à Noël à la fin des années 70, pendant que sur «D.I.Why», on se fout des imitateurs aux tattoos pourris tentant le post-punk que le groupe aurait pu engendrer... par inadvertance tout en se foutant de sa propre image: «Ce n'est pas l'école, est-ce que ça me dérange ? Un peu, j'ai toujours envie d'être noté par un connard». Et en restant sur la thématique des connards, sur «Right Wing Beast», c'est la domination de la droite que dénonce le duo avant d’enchaîner sur «Smash Each Other Up» et ses bastons des bas-fonds.

Avec «So Trendy», collab innatendue avec Perry Farrell, le chanteur de Jane's Addiction, les Sleaford Mods contemplent leur incapacité à suivre les tendances, et l'ont bien illustré dans ce clip, crée pour eux, par une intelligence artificielle.

«Andrew et moi-même ne sommes pas de grands fans de Jane’s Addiction ou de Porno For Pyro, mais nous reconnaissons qu’il a toujours été une personne très cool. Il a ajouté de la luminosité à la chanson, même si elle n’est pas optimiste», expliquait Jason à la sortie du titre.

Enfin, avec «Tory Kong», cette île aussi charmant que moche, la bande se marre de cette «bête mythique, mangeuse de chair» mais où il fait bon vivre malgré tout.

Le nihilisme ne résoudra probablement pas grand-chose dans cette époque où l'on ne dit rien et tout en même temps dans des TikTok de 15 secondes, mais les Sleaford Mods rappellent avec brio qu'il y a bien des raisons d'être en colère et que l'on peut exorciser avec un furieux mélange de révolte, de punk, de rap, d’électro et d'une pointe de minimalisme. Ils sont la voix rugueuse et abrasive d'un pays, mais avec toute l’humanité de son peuple.

Les Sleaford Mods seront à voir le 29 octobre à l'X-TRA de Zurich est les billets sont en vente sur le site de Ticketconer.

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