Publié le 25. janvier 2023

Riopy: «J’ai eu une vie de merde, mais j’ai eu tous les sentiments à ma disposition pour créer»

On a parlé avec le pianiste autodidacte à l’incroyable destin et que Lana Del Rey adore, qui sortira «Thrive» son 4e album le 14 avril prochain et qui sera en concert à Genève le 2 mars et à Zurich le 16 mars.

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La vie de cet homme-là est digne d'un film hollywoodien. De son enfance où il a grandi dans une secte extrémiste avec sa mère et ses frères et sœurs au moment où il s'échappe à l'âge de 18 ans pour devenir ensuite marchand de pianos dans une boutique en Angleterre, il ne se doutait certainement pas qu'après un soir ou il jouait devant un parterre de stars séduisant Chris Martin du groupe Coldplay: il sortirait un premier album éponyme acclamé par la critique et partirait aux quatre coins du globe pour adoucir le monde de ces notes délicates. Pour bien commencer, on vous cale «I love You», sblimissime tube de ce premier album dont le pianiste nous a offert quelques notes à la fin de cet entretien.

Et alors qu'il vient de sortir son single « Nocturne », nous avons rencontré le talentueux français de 39 ans dans le salon feutré d'un hôtel genevois. Il proposera que l'on se tutoie directement il aura un large sourire tout en pudeur toutefois au moment où l'on commencera cette interview en lui racontant l'émotion que l'on a, à l'écoute de ces compositions.

Starzone: Qu'est-ce que ça fait de faire de la musique qui touche autant les gens, qui les fait même pleurer?

Riopy: C'est vrai qu'il y a beaucoup de gens qui pleurent. Mais sans aucun cynisme franchement, j'adore! Pourquoi j'adore ça? Quand ça arrive franchement j'ai l'impression de casser une vitre. C'est comme si ça libérait quelque chose chez les gens et c'est ce que la musique a fait pour moi. C'est libérateur. J'ai tellement souffert que jouer de la musique la créer c'est ce qui m'a donné de l'espoir. Donc quand je vois ces effets sur mon public je me sens utile et ça me fait du bien. Je trouve que quand on aide les gens on se sent bien.

Tu parles de cette souffrance qui vient de cette enfance. Est-ce que le fait que ta musique soit si cinématographique et reliée au fait qu'as-tu utilisé ton piano comme une échappatoire lors de ton enfance et dans cette secte?

Il y a un truc émotionnel ce n’est pas rationnel. Je crois que je n'ai jamais pu être dans un carcan et c'est à cause de mon enfance, du coup dès le début quand je créais de la musique c'était quelque chose qui me faisait voyager. Ça a toujours été mon approche de la musique, donc oui on me dit souvent que ça fait très film très cinéma mais sincèrement je n'ai rien fait pour ça ma musique est juste pour moi liée à l'évasion. C'est l'évasion qui m'a sauvé, je pouvais partir ailleurs et c'est ça qui me faisait survivre.

Et malgré tout ça, comment est-ce qu'on apprend à jouer du piano tout seul quand on est petit?

Quand tu vis ça tout petit, c'est la seule chose que tu connais. On avait la chance d'avoir un piano je ne m’en souviens pas très bien je me souviens juste qu'il était très petit mais je me souviens du sentiment quand j'ai appuyé sur la première note. Je dis souvent que c'était comme une goutte d'eau qui est tombée et qui ouvrait tout un univers tellement puissant. Ça m'a hyper touché et j'ai commencé à explorer à toucher une note puis 2 notes et petit à petit c’est comme un puzzle qui commence à se construire et comme je ne supporte pas de ne pas y arriver je répétais et répétais jusqu'à ce que ça donne quelque chose de beau.

C'est marrant parce que dans ta musique on sent le lâcher prise donc on ne sent pas ce côté contrôle freak!

C'est vrai je lâche complètement prise je pars complètement, mais, pour un pour en arriver là, il n'y a pas de Secret j'ai bossé et encore bossé. Mais comme j'aimais ça d'ailleurs je ne pense qu’on ne peut pas être bon dans quelque chose que l'on n'aime pas profondément, ma facilité pour les arpèges ou la rapidité est vraiment passée par un apprentissage pour moi c'était magique et ça l’est toujours aujourd'hui.

Et cette magie on la sent dans ce prochain album «Thrive» qui s'est construit à la base sur les quelques notes des Gymnopédies d’Erik Satie. Est-ce que tu peux nous en dire plus?

Il n'y a pas plus simple et il n'y a pas plus beau que les 2 accords des Gymnopédies de Satie. Est-ce qui est rigolo c'est que cette simplicité pour moi c'est l'apothéose de l'art. Et arriver à faire quelque chose de simple et de si beau ce n'est vraiment pas facile. Et à chaque fois que j'entendais ces 2 accords-là ça me créer des mondes et j'entendais énormément de choses. J'ai eu besoin et j'ai eu envie de partir de là, de ces héros qui avaient créé des chefs-d'œuvre mais lorsque je les entendais dans ma tête je partais toujours ailleurs. Par exemple pour nocturne qui est tiré de Chopin j'ai pris ces fameux accords qui font «bam bam» pour développer un morceau à la fois triste et puissant.

Oui d'ailleurs dans le clip on ressent ça très fort en même temps la solitude mais aussi l'évasion.

On est d'accord pour moi c'est un sentiment très puissant. C'est là où elle est ma chance, j'ai tellement eu une vie de merde ça a été tellement difficile, mais au final grâce à tout ça j'ai pu voir la réalité avec tous les sentiments qu'elle comporte et je les ai eus à ma disposition pour créer. La frustration la douleur la peine tout ça j'ai pu les mettre dans ma musique parce que si tu ne les as pas vécus c'est très difficile de les exprimer et j'ai mis beaucoup de ça en nocturne. Mais j'aimerais ajouter qu'aujourd'hui je n'en veux à personne, j'ai pardonné et j'avance

Et pour reprendre vos mots passer de «cette vie de merde» au fait d'être encensé par Lana Del Rey qui reprend un de vos morceaux comment on se sent? comment ça s'est passé?

Je ne sais pas vraiment comment elle est arrivée à ma musique mais ce que je sais c'est qu'un jour mon manager a reçu un message du management de Lana Del Rey qui disait qu'elle adorait ma musique et mon morceau «Flo». Elle l'aimait tellement qu'elle a écrit des paroles dessus elle voulait le sortir. (Ndlr.: Il sera sur l'album à venir «Did You Know That There's a Tunnel Under Ocean Blvd») Alors pour être sincère au départ j'ai été flatté parce que bien sûr c'est Lana Del Rey mais en toute honnêteté je n’ai jamais été le mec a cherché à faire des collab. J'ai toujours fait mon truc pour la musique franchement l'argent je n’en ai rien à foutre et si je devais commencer à perdre de l'authenticité, à trahir ce don qu'on m'a donné et ce cadeau-là si tu n'en es pas digne il disparaît. Alors je suis très flattée d'autant que son morceau est élégant et classe, mais ça fait un peu peur aussi.

Ce n’est d’ailleurs pas la première histoire avec des stars qui se passent un peu comme ça! On en parle de Chris Martin de Coldplay qui vous offre un piano?

(Rires!) depuis un moment je pense que tout est possible dans la vie peut-être qu'on se crée notre réalité donc si tu te dis qu'il n'y a pas de limite, Ben y a pas de limite! Donc moi je n’avais rien je n’ai jamais rien cherché et oui un jour je reçois un piano de Chris Martin! Je suis hyper reconnaissant mais je fais attention à ce que ça ne fasse pas gonfler mon ego. Donc j'ai toujours son piano et j'avais d'ailleurs enregistré mon premier album sur cet instrument dans mon appartement parce que j'ai besoin de ressentir la musique et qu'à ce moment-là je trouvais les studios d'enregistrement beaucoup trop froids, impersonnels.

Du coup pour «Thrive» comment tu as choisi tes instruments?

Alors c'est simple beaucoup d'essais et je fermais les yeux pour ressentir plus, je tente et quand une sonorité ou un piano me plaît je le sais immédiatement. C'était d'ailleurs un album compliqué à enregistrer parce que même s’il a une grande fluidité il y a une grosse machine d'instrumentation. Tout a une place pour créer le monde que je voulais.

Et quand tu bosses à la commande pour le cinéma ou la publicité, est-ce que la démarche est différente?

Aujourd’hui j'en fais presque plus parce que je suis aux 4 coins du monde avec mes tournées mais surtout parce que je ne veux plus que travailler pour des projets auquel je pense que je peux apporter quelque chose. Aujourd'hui j'ai la chance de pouvoir choisir et ce n’est pas une question de prétention au contraire, je veux vraiment apporter quelque chose et par participer uniquement un truc de consommation. Il y a beaucoup de trucs que je n'accepterai pas par exemple, des trucs d'alcool, d’horreur, après si quelque chose est beau, en accord avec mes valeurs, pourquoi pas. Mais je ne fais jamais les choses pour l'argent ou la fame, j'en ai rien à foutre!

Et pour finir sur cette fame, parce que tu as une grosse fan base, dont beaucoup sont érudits, s'il fallait dire quelque chose à ceux qui pensent qu'un concert de piano n'est pas pour eux, qu'est-ce que tu leur dirais?

Je leur dirai de prendre un risque, même s'il faut admettre que certains concerts de piano peuvent être chiants! (Rires.) Alors oui il y a des concerts de piano ou tu te fais chier mais il y a aussi des concerts de pop où tu te fais chier, alors viens vivre une expérience! À mes concerts les émotions sont hyper fortes à tel point qu'à la fin il y a des gens qui viennent faire des câlins, et ce qui est marrant c'est que dans mon public j'ai des gens de 4 ans 99 ans il y a un truc commun c'est ce niveau de conscience, d'humanité. C’est plein d'amour, les gens se lâchent, parfois il pleure et ils s'en foutent, c'est beau. Je suis tellement heureux de faire ces concerts, je sens que c'est un partage: je fais du bien aux gens ils me font du bien, c'est comme une communion c'est incroyable, j'adore!

Riopy sera en concert le jeudi 2 mars à l’Alhambra à Genève, puis le jeudi 16 mars au Kaufleuten à Zurich. Les billets sont disponibles sur le site de Ticketcorner .

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