Publié le 31. juillet 2024

«Apostrophe (')»: les 50 ans du chef-d'œuvre d'un maestro excentrique

En 1974, Frank Zappa sortait un album phare de rock psychédélique teinté de jazz et de folie créative. Mais derrière l'apparente absurdité de la pièce musicale et de ses textes, se cachait une critique sociale incisive de l'Amérique des années 1970.

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Commencer un album avec «Don't Eat the Yellow Snow» (Ne mange pas la neige jaune) pourrait laisser croire que l'on s'embarque dans une blague Carambar mise en musique. Il n'en est rien.

Frank Zappa, c'était le prototype de l'artiste qui ne pouvait pas juste faire de la musique comme tout le monde. Non, l'homme à la moustache la plus cool des années 1970 préférait bousculer les conventions et dynamiter les frontières, tant musicales que sociétale.

Une pièce expérimentale en première partie

Rien qu'avec l'enchaînement (les titres sont composés pour se suivre parfaitement) de «Don't Eat the Yellow Snow», «Nanook Rubs It», «St. Alfonzo's Pancake Breakfast» et «Father O'Blivion», il dénonce les travers de l'Amérique.

Ce fameux esquimau nommé Nanook, tiré du film documentaire «Nanook l'Esquimau» (Robert Flaherty - 1922), Zappa le détourne en une parodie délirante pour ridiculiser les stéréotypes des représentations occidentales des cultures autochtones.

Ensuite, il continue sur sa lancée en écorchant les pratiques religieuses, la société de consommation et l'hypocrisie des institutions caritatives en racontant les frasques d'un prêtre qui se débauche avec un lutin pour faire ensuite un banquet de pancakes.

Zappa transforme l'absurde en arme de dénonciation sociale tout en démontrant son génie musical à travers des syncopes complexes, des lignes de basse et de guitare de dingue et un phrasé inimitable: le tout sur une toile de fond de jazz fusion et rock théâtrale. Une masterclass qui fait groover tout en grimaçant.

Une deuxième partie rock étincelante

Ce nouveau chapitre s'articule plus autour des riffs de guitare — Zappa excelle, et se voit prêter main-forte par quelques invités de renoms.

Sur l'unique plage instrumentale de l'album éponyme, on le retrouve aux côtés de Jim Gordon de Derek and the Dominos et de Jack Bruce de Cream. On ne sait pas trop si Jack s'ennuyait avec Claptone à cette période, mais sur ce titre avec notre antihéros, quand il mélange sa ligne de basse aux riffs de Zappa, cela donne naissance à un des moments les plus forts de l'album. À peine 6 minutes que l'on voudrait voir s'étendre sur l'éternité.

Pour finir, ouais, tout doit finir un jour et on pourrait écrire un dico sur chaque titre, on s'attarde sur une autre masterpiece: «Uncle Remus».

Coécrite avec le génie des claviers George Duke, cette chanson est un bijou. Avec son piano émouvant et ses paroles qui frappent là où ça fait mal, le titre dénonce la lenteur des progrès dans la lutte pour les droits civiques. Encore une bombe musicale qui éviscère l'Amérique des années 70, où Zappa et Duke transcendent la simple chanson pour offrir une critique sociale tranchante.

En conclusion, «Apostrophe (')» n'est pas juste un album, c'est une expérience auditive et intellectuelle dans laquelle Zappa nous embarque dans un trip où chaque note et chaque mot ont été soigneusement calibrés pour secouer les neurones. Un psychotrope posé sur du vinyle plutôt que sur un buvard.

En mixant satire sociale et virtuosité musicale, il a transformé des sujets plombants en pépites percutantes, et cinquante ans plus tard, ce chef-d'œuvre, loin de prendre la poussière, résonne toujours aussi puissamment dans notre monde actuel.

Notez qu'une box réédition de 75 titres et de six disques est prévue pour le 13 septembre. Elle contiendra, outre les 9 tracks originelles, des live des performances de Zappa dans le Colorado et l'Ohio, de nouveaux mixages, plus de détails sur l'enregistrement de l'album et un livret de 52 pages contenant de toutes nouvelles photos d'archives du photographe de la couverture, Sam Emerson.

En bonus WTF, parce que l'on n’allait pas terminer un article sur Zappa comme ça, sur le site du génie, on trouve également, une version vinyle couleur 2-LP + 7 pouces comprenant l'album original nouvellement remastérisé par Bernie Grundman, des extraits de sessions provenant du Vault, des extraits des titres bonus et une réédition du single «Don't Eat The Yellow Snow».

Particularité? Les disques, dont un brille dans la nuit, sont blancs avec des traces jaunes... Comme quoi, l'esprit taquin de Zappa est toujours bien vivant.

  - DR
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